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De la raison des Etats à l’amitié des peuples !


Mon action / Moselle

Metz, le mardi 22 janvier 2013

 « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » : c’est la loi d’airain – ou plutôt de fer – de ces monstres froids. En signant en janvier 1963 le traité de l’Elysée, le chancelier Adenauer et le général de Gaulle ont décidé en quelque sorte de faire mentir pour le présent comme pour l’avenir, cette prétendue vérité d’évidence nuancée d’ironie glacée chère au cardinal de Retz. Ce traité ne constitue pas un début absolu dans les relations radicalement nouvelles voulues, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, par la France et l’Allemagne, alors même qu’elles venaient, entre 1870 et 1945, de s’affronter par trois fois de manière sans cesse plus violente, plus destructrice de biens, mais surtout coûteuse en hommes, en souffrances innombrables et en anéantissement des valeurs les plus hautes jusqu’à l’inimaginable. A cet égard, le changement radical, le vrai point de départ est évidemment constitué par la déclaration courageuse proclamée en tant que ministre des Affaires Etrangères de la France le 9 mai 1950 dans le Salon de l’Horloge par Robert Schuman, si cher à notre cœur de Lorrains. De là découle en effet une politique aussi audacieuse que pragmatique et qui se révélera pleinement efficace : celle des « petits pas » pour donner forme concrète à une grande ambition : créer à partir de l’entente franco-allemande avec, pour commencer, l’Italie et le Bénélux, progressivement une Europe appelée à grandir et à s’agrandir, à partir de la CECA, devenue, par le traité de Rome, la CEE et transformée enfin aujourd’hui en Union Européenne. Mais dans la construction européenne, dès l’origine, l’un des éléments déterminants et moteurs est précisément le couple franco-allemand. C’est une nécessité si forte qu’elle transcende les personnes et les personnalités de ceux qui ont formé les couples successifs franco-allemands, par-delà Adenauer et de Gaulle : tels Mitterrand-Kohl, main dans la main à Verdun, en un geste si fortement symbolique, Schröder-Chirace, Sarkozy-Merkel ou aujourd’hui Merkel-Hollande.

Ce lien engendre une crainte paradoxale : non pas qu’il ne soit pas assez fort, mais au contraire trop et ne nuise au travail commun nécessaire avec les autres pays européens. Car une vérité s’impose, en temps de prospérité comme en temps de crise, pour chacun des Etats et des peuples d’Europe, il n’y a d’avenir que dans et par l’Union, et non en dehors d’elle et moins encore contre elle. Laisser croire  le contraire, c’est se mentir à soi-même et vendre aux autres de la poudre de perlimpinpin. L’Union est loin d’être parfaite, elle doit à l’évidence faire de grands efforts et d’immenses progrès pour avoir de meilleures institutions, construire une Europe sociale véritable, peaufiner le contrôle de la finance, se doter d’une vraie politique étrangère commune et d’une défense européenne consistante, réduire les déficits publics, mais surtout combler le déficit démocratique dont elle souffre, en dépit des pouvoirs croissants accordés au Parlement européen. Il faut mettre réellement les citoyens européens au cœur de l’Europe, afin de construire une forme nouvelle de démocratie. A quelque chose peut-être le malheur des crises actuelles sera bon, dans la mesure où elles nous contraignent tous – et pas seulement le couple franco-allemand – à innover pour répondre aux exigences fondamentales non seulement économiques, mais aussi politiques, morales et démocratiques. Car par chance, l’amitié des peuples a ses raisons que la raison des Etats ne connaît pas !

 

 

22 janvier 2013