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France : l'état d'urgence ne saurait se substituer à l'Etat de droit


Au Parlement / France / LIBE

Communiqué de presse de Nathalie Griesbeck et son groupe parlementaire – jeudi 21 janvier // En réaction à l’extension éventuelle de l’état d’urgence en France, l’Alliance des démocrates et des libéraux a adressé une question écrite à la Commission européenne, exprimant sa préoccupation au sujet de la législation française adoptée à la suite des attaques terroristes de Paris, en novembre dernier.  Cette loi a prolongé l’état d’urgence pour une période de trois mois et autorisé des pratiques telles que des perquisitions sans mandat et le copiage de données à caractère personnel sans autorisation judiciaire.  L’ADLE exhorte la Commission à déterminer si cette législation est compatible avec le droit européen.  L’ADLE demandera officiellement la tenue d’un débat au sein de la commission LIBE sur la législation française.

Sophie In ‘t Veld (D66, Pays-Bas), première vice-présidente de l’ADLE, a déclaré : « L’état d’urgence est censé représenté une mesure d’urgence, non pas un état semi-permanent. Il doit être utilisé avec une extrême prudence, et uniquement  dans des circonstances exceptionnelles et avec toutes les garanties nécessaires ».  « Plusieurs pratiques soulèvent de sérieuses préoccupations quant à leur conformité avec les lois de l’UE et les principes fondamentaux. Nous apprenons que des équipements informatiques sont saisis, ainsi que des données personnelles, qu’elles sont copiées et gardées en dehors de tout cadre procédural ou moral, et dans de nombreux cas, sans rapport au terrorisme ». « Le gouvernement français devrait venir au Parlement européen et expliquer ses décisions et considérations. Il semble y avoir un usage excessif des pouvoirs en vertu de l’état d’urgence. Nous avons besoin de clarifications ». « C’est un très mauvais précédent. Nous notons avec préoccupation que le gouvernement hongrois semble envisager des mesures similaires ». « Le terrorisme doit être combattu avec les moyens les plus efficaces. Le gouvernement français doit repenser sa stratégie, et investir davantage dans la prévention et la coopération et l’échange d’informations ».

Nathalie Griesbeck (Mouvement Démocrate, France), a ajouté: « Sans contester l’importance de la lutte contre le terrorisme et la pertinence de la mise en place de l’état d’urgence au lendemain des attaques terrifiantes que nous avons connues, nous  soulevons la question de sa prolongation dans le temps et sa pérennisation dans la Constitution. Surtout, attachée à la séparation des pouvoirs, je m’inquiète vivement de l’absence totale de contrôle du juge. » « L’état d’urgence et tous les dispositifs juridiques qui en résultent constituent, par essence, un régime d’exception qui porte atteinte aux libertés et droits fondamentaux. » « En droit européen, toute atteinte aux libertés et droits doit toujours être nécessaire, proportionnée et limitée dans le temps. Une proportionnalité dont je doute quand on voit que les 3 021 perquisitions administratives effectuées – à propos desquelles de nombreux abus ont été reportés – n’ont conduit qu’à l’ouverture de 3 enquêtes préliminaires anti-terroristes et une mise en examen ! » « Tous ces éléments justifient notre question. »
*

 

Voici la question parlementaire posée à la Commission Européenne et cosignée par Nathalie Griesbeck et ses deux collègues Sophie In’t Veld et Cécilia Wikström :

 

La loi française du 20 novembre 2015 élargit le champs d’application et prolonge pour trois mois l’état d’urgence, décrété le 14 novembre 2015 en conseil des ministres. La société civile, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe ainsi que les Nations Unies, ont exprimé leurs inquiétudes quant à d’éventuelles dérives induites par l’état d’urgence, en particulier l’absence de supervision par le juge judiciaire des opérations de police et de maintien de l’ordre.

 

La Commission a-t-elle été notifiée par la France de cette loi élargissant et prolongeant l’état d’urgence et a-t-elle en retour fait part d’éventuelles recommandations aux autorités françaises, notamment quant au respect des droits tels qu’inscrits à la Charte des Droits fondamentaux de l’UE?

 

La Commission considère-t-elle comme conforme au droit primaire et secondaire de l’UE, ainsi qu’au principe de proportionnalité, le recours massif et prolongé aux perquisitions administratives, à la saisie et copie complète de données personnelles en dehors de tout cadre procédural ou encore à l’assignation à résidence et aux interdictions de réunion sans décision judiciaire préalable?

 

Plus généralement, la Commission juge-t-elle compatible avec les principes découlant de l’état de droit – en particulier l’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif et le contrôle juridictionnel effectif -l’inscription par un État Membre de l’état d’urgence ou tout autre régime d’exception à son ordre constitutionnel?

26 janvier 2016