Newsletter


Voir toutes les newsletters

Robe de Bure ou tunique de Nessus ?


France

Comuniqué de presse : mais quelle mouche a bien pu piquer Philippe Bur, un député UMP jusqu’ici illustrement inconnu, dont, à dire vrai, la plupart des Français ne pensaient ni bien ni mal, puisqu’ils n’en pensaient rien, mais à qui son désormais célèbre rapport sur le régime minier vaut une brusque, sinon enviable notoriété ? Or nos chers concitoyens – nous le savons tous depuis deux ou trois jours – sont aujourd’hui devenus champions du monde toutes catégories du pessimisme. Notre parlementaire a-t-il cru indispensable d’en rajouter une couche – ou une louche, comme il vous plaira ? En tout cas, l’effet est certain et souverain. A croire que notre homme veut concourir pour le titre non pas de Miss France, mais du Français le plus impopulaire de France ! Il a, c’est vrai, fort à faire, car la concurrence en la matière, est rude, jusque dans sa propre mouvance, l’UMP, et jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat, s’il faut en croire les sondages ! Mais rien n’y fait, il a de très fortes chances de décrocher le pompon. En tout cas, parmi les mineurs et les Lorrains, c’est déjà fait : à l’unanimité…. contre lui.

Le régime minier va connaître en 2010 un déficit d’environ 80 millions d’euros : ce n’est pas négligeable et il faut traiter la question avec sérieux. Mais en même temps, cette somme ne représente que bien peu de choses au regard du déficit proprement abyssal du régime générale de la sécurité sociale ou encore de l’Etat que le Premier ministre en personne disait, il y a deux ans déjà, en quasi faillite. Et pourtant, voici que le rapport Bur propose de déshabiller le petit Pierre (entendez : le régime des Mines) pour tenter de rhabiller Paul, c’est-à-dire le régime général. C’est la politique du sapeur Camembert – ou de Gribouille – appliquée au fameux « trou de la Sécu ». On en rirait volontiers, si ce n’était à pleurer. Et pire encore, à s’indigner ! Non seulement c’est complètement irréaliste et farfelu, oui, ubuesque, mais c’est surtout profondément injuste et témoigne d’un mépris inadmissible l’égard des mineurs et de leurs familles comme de la Lorraine et des Lorrains. C’est à croire que notre soi-disant représentant du peuple n’est jamais descendu au fond.

Car quiconque y est allé, comme j’en ai eu plusieurs fois l’honneur, à Wouters comme au puits Simon, n’a pu qu’être frappé immédiatement par deux choses : l’extrême dureté du travail de la mine et l’extrême dignité des mineurs pour qui la mine était proprement vitale, oui, dont c’était vraiment la vie. Il est donc profondément indécent de n’en tenir aucun compte comme ce rapport se croit en droit de le faire, au nom de la seule rentabilité financière et d’une approche purement comptable, là où il s’agit de tout autre chose : de sueur, de courage, de souffrance et de valeur humaine.

Ces hommes ont contribué de manière décisive à relever la France au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et pris une part essentielle au développement de sa vigueur économique et de sa prospérité pendant des décennies. Cela n’autorise personne, encore moins un parlementaire ou un ministre, à les mépriser ni à se montrer injuste envers eux. Bien au contraire. Tous, mais particulièrement les responsables politiques, ont l’obligation de les respecter et de respecter leurs droits.

Les prétendus cadeaux (diminution des prestations, suppression arbitraire des droits conquis et acquis, reniement de la parole donnée et des promesses faites) que le rapport Bur dit vouloir offrir aux mineurs et donc aux Lorrains déjà si éprouvés par la crise, ne sont au mieux que des cadeaux empoissonnés, à l’image de la si tristement célèbre tunique offerte à Hercule – qui en est mort. Oui, décidément, cette robe de Bur n’est en réalité qu’une tunique de Nessus !

10 janvier 2011