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Garde à vue : cherchez l’erreur


France

Communiqué de presse : Le tout nouveau Garde des Sceaux, Michel Mercier, vient d’affirmer qu’il ne peut être question (je cite) « d’écarter les procureurs » de la procédure de garde à vue. Peut-être a-t-il un peu de mal à comprendre son nouveau job. Ou alors, peut-être aussi se trouve-t-il mal conseillé. En tout cas, l’arrêt rendu par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) le 23 novembre dernier, désormais connu sous le nom d’arrêt Moulin et dont, à juste titre, toute la presse et l’ensemble des médias, même les télévisions généralistes, ont beaucoup parlé tant il est important, est en la matière parfaitement clair. Un procureur – et donc tout membre du ministère public dans le système judiciaire français actuel – ne peut décider de la garde à vue de quelqu’un ni autoriser sa prolongation, puisqu’il ne remplit pas, en l’état actuel du droit, au regard de la Convention européenne des Droits de l’Homme, pourtant voulue et signée par la France, les garanties d’indépendance exigées pour pouvoir être qualifié de « juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». L’indépendance à l’égard de l’exécutif du juge décidant de la garde à vue, bref, du juge d’Habeas Corpus, constitue une première condition, nécessaire, pour que la garde à vue puisse être prononcée de manière licite. C’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Pour que la mesure ne soit pas illégale, il faut qu’en même temps, que le juge d’Habeas Corpus soit également indépendant par rapport aux parties. Or, dans la procédure judiciaire française actuelle, le procureur est à l’évidence l’une des parties. En tant que tel, il ne peut être considéré comme « indépendant des parties ». Ce serait absurde, puisque parfaitement contradictoire dans les termes mêmes.

Puisque les conditions de cette double indépendance à l’égard du pouvoir exécutif comme à l’égard des parties ne sont pas remplies, il est à la fois impossible et illégal de maintenir en l’état la « garde à vue à la française » comme de prétendre pouvoir la rendre légale en la réformant « sans en écarter les procureurs », comme le veut le ministre de la Justice. Il faut au contraire que la République, en suivant les décisions de la Cour, conforte dans notre pays l’Etat de Droit et, par là même, renforce la France.

10 décembre 2010