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Pour une Eurozone Solidaire et intégrée


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Nathalie Griesbeck est cosignataire du Manifeste « Pour une Eurozone solidaire et intégrée », porté par Confrontations Europe, Bertelsmann Stiftung et la Fondation Astrid, avec la volonté de promouvoir des options visant à répondre aux énormes défis actuels de l’Europe. 3 principes principaux sous-tendent ce Manifeste : une véritable politique budgétaire européenne, une politique européenne industrielle et un investissement social puissant et solidaire en faveur de la formation et de l’emploi. Lire le Manifeste ici.

 POUR UNE EUROZONE SOLIDAIRE ET INTÉGRÉE

Femmes et hommes de sensibilités et de nationalités multiples, réunis pour des Entretiens Economiques Européens à Paris, nous nous engageons à participer aux efforts de sauvegarde de l’Union monétaire et de relance de l’intégration européenne. Aujourd’hui pratiquement tous les pays européens ont des difficultés de financement de leurs dettes publiques, les taux d’intérêt augmentent et la croissance s’interrompt. Il est urgent de réformer l’architecture de l’Eurozone pour la doter d’un socle de solidarité et d’une capacité de gouvernement. Ainsi pourrons-nous calmer les marchés et assainir les comptes, tout en commençant à restaurer la compétitivité et le potentiel de développement durable dans toute l’Europe. Comment réunir une force capable de prendre l’initiative et de la mener à bien ? Les dirigeants politiques les plus dévoués et les plus convaincus doivent prendre leurs responsabilités, mais ils n’y parviendront pas seuls, nous voulons chacun et ensemble mener cette bataille. La mobilisation des citoyens aux niveaux local et national, et la fédération de leurs actions au niveau communautaire seront le fondement de la réussite.

 Négocier un Traité pour l’Eurozone en associant les pays candidats

Les dirigeants allemands viennent de réaffirmer l’ancrage européen de leur pays et ils appellent à renforcer l’intégration économique et politique. Une proposition commune franco-allemande de réforme des Traités va être présentée au Sommet du 9 décembre 2011 pour aller vers une Union budgétaire et fiscale. Beaucoup de réticences et même d’oppositions s’expriment, pourtant cet objectif est un impératif. Le Traité de Lisbonne ne permet pas à lui seul d’engager une première étape significative. C’est pourquoi nous souhaitons que tous les pays ayant choisi l’euro ou souhaitant y entrer répondent positivement et avancent leurs propres options. Car bien entendu, le mandat de la réforme doit être précisé. Notre opinion est qu’il faut articuler intégration et solidarité, et que le coeur du compromis d’une première étape doit être la création d’eurobonds en contrepartie d’une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil européen de décembre 2011 pourrait décider de réunir une Conférence intergouvernementale avec un objectif prioritaire, la consolidation de l’Eurozone. C’est pourquoi la négociation et la décision qui devront aboutir à un Traité pour l’UEM, auront lieu dans le cercle des Etats qui en sont membres, en associant aux discussions les pays non membres qui veulent y appartenir et contribuer à la solidarité. Un deuxième objectif de la Conférence visera à une meilleure cohésion de toute l’Union, et fera l’objet d’une discussion à l’échelle des 27 membres. Ils tenteront d’établir un pacte pour que la rénovation du grand marché et la réforme du Budget reposent sur un équilibre d’intérêt mutuel.

 Trois piliers pour sauver l’Eurozone

La consolidation de l’Eurozone peut reposer sur trois piliers. Le premier, que la crise a rendu évident avec l’éclatement de la crise des dettes souveraines, consiste à établir une politique budgétaire commune. Depuis le Traité de Maastricht en effet, l’Union monétaire est bancale : une politique monétaire unique, des politiques budgétaires fragmentées et divergentes. L’émission d’euro-obligations et la création d’un large marché de ces titres permettront de mutualiser une partie du financement des dettes souveraines ; ainsi le harcèlement des marchés financiers pourra cesser et les États pourront retrouver le temps nécessaire pour des réformes difficiles. La condition sine qua non d’une telle mutualisation, demandée par l’Allemagne, est une discipline de chacun et une surveillance centralisée pour le rétablissement des finances publiques nationales, étant entendu que sa programmation doit être conçue de façon à ne pas provoquer la récession. D’autre part, l’Eurozone doit faire bloc pour obtenir que la réforme du Budget communautaire le dote de fonds propres et en fasse un levier d’action conjoncturelle axé sur la relance de l’investissement humain et productif. On sait l’opposition de l’Allemagne et d’autres pays membres à une transformation du mandat de la Banque Centrale Européenne. Cela étant, les exigences de stabilité financière ne permettront pas de laisser invariant le rôle de la politique monétaire, en tout cas une cohérence devra être établie entre elle et la politique budgétaire, tandis que les règles des systèmes bancaires nationaux devront être harmonisées. Le deuxième pilier de la consolidation de l’UEM, c’est le rétablissement de la compétitivité et du potentiel de croissance de tous ses membres. Les divergences de compétitivité entre eux sont en effet la cause la plus profonde de désintégration. Chaque État en difficulté, et en particulier la France qui n’en a pas assez conscience, devra procéder à des ajustements structurels majeurs visant notamment à réhabiliter l’industrie et les compétences professionnelles. Mais aucun pays ne pourra y parvenir sans une forte coopération. Le pacte Euro Plus de mars 2011 ne suffit pas, il faut pouvoir mutualiser des projets et des ressources. Dans le contexte d’un large marché des eurobonds, les obligations souveraines européennes pourront être employées aussi pour le financement des investissements de long terme porteurs de croissance durable. Le troisième pilier est un investissement social puissant et solidaire. Les références à l’économie sociale de marché ne doivent pas masquer l’exigence d’un grand renouvellement. Les bons objectifs énoncés dans « Europe2020 » doivent être accompagnés d’actes conséquents. Nous voulons que soient énoncés les incitations et le mode de participation des acteurs économiques et sociaux qui permettront d’avancer vers un nouveau welfare social : un renouveau de la formation et de l’emploi, un meilleur emploi des capacités humaines, l’insertion des jeunes sur le marché du travail et l’accompagnement dans les transitions professionnelles. Pour mettre en oeuvre ces trois piliers, un pouvoir exécutif doit être capable de promouvoir la politique économique et financière de l’Eurozone. Nous pensons qu’on pourrait commencer par l’institution d’un ministère européen de l’Economie et des Finances, codirigé par des représentants de la Commission et des États concernés, décidant à la majorité qualifiée, et sous le contrôle des parlements européen et nationaux.

 Un pacte pour la rénovation du marché intérieur et la cohésion de l’Union

La Grande-Bretagne et un petit nombre d’autres États veulent garder l’entière indépendance de leur politique économique et sociale, et comme ils se préoccupent de sauvegarder tous leurs intérêts dans une Eurozone dont ils ne pourront pas négocier la consolidation, ils disent vouloir défendre l’intégrité du marché unique. Or si cette intégrité est menacée, c’est en raison de l’absence de cohésion qui résulte des dérives de la libéralisation financière et d’une concurrence non équilibrée par la coopération. La réforme de la régulation et de la supervision financières, et la rénovation du grand marché doivent viser à corriger ces dysfonctionnements, à poursuivre les buts de la stabilité et de la croissance durable et soutenable, et à renforcer la cohésion. Nous nous engageons à faire connaître les efforts de la Commission et du Parlement, à nous impliquer plus encore et à participer à une nouvelle phase de ces travaux, axée tout particulièrement sur le financement du long terme, la taxation des transactions financières, et la transformation du grand marché en camp de base des entreprises européennes dans la mondialisation.

 Des pare-feux dès maintenant

Des négociations pour une architecture solide de l’Eurozone n’iront pas sans des tensions politiques fortes, mais étant gages d’une nouvelle volonté collective en marche, elles seront un signal fort pour le monde extérieur et pour les marchés. Ce processus doit être appuyé par des mesures exceptionnelles à caractère transitoire. La Banque Centrale Européenne développera ses achats de dettes souveraines sur les marchés secondaires, sans aller jusqu’à une monétisation du financement de ces dettes. Le Fonds Européen de Stabilité Financière sera remanié de manière à préfigurer la création d’un véritable Fonds Monétaire Européen. La Commission proposera un plan de relance de l’investissement et d’action sociale pour prévenir l’aggravation des licenciements et du chômage. Les amortisseurs sociaux qui ont fonctionné depuis 2008 ne suffisent plus ; il faut d’urgence promouvoir la formation et la requalification des jeunes et des travailleurs et recréer une dynamique d’emploi en préparant de nouvelles politiques industrielles.

 Un engagement des sociétés avec des dirigeants et des élus plus responsables

Ce que nous proposons n’est pas, pour le moment, une nouvelle tentative de grande réforme constitutionnelle, mais une première étape. Il faut aller à l’essentiel pour aboutir en 2012 avec un petit nombre de dispositions clés. Vu l’urgence de la situation, et compte-tenu des défauts et de l’échec de 2005, l’exercice ne prendra pas la forme d’une Convention, qui a trop reposé sur la délégation de la préparation des textes, sans débat préalable à la base, et qui a abouti à un plus petit commun dénominateur ; après quoi les peuples consultés ont exercé un pouvoir de veto. Aujourd’hui les élus des peuples européens traduisent des divisions encore accrues et représentent aussi le désarroi ambiant et les divergences d’intérêts. Pour réussir, l’exercice démocratique doit donc reposer sur une campagne dans chaque pays et transeuropéenne portant sur les choix essentiels. Les élus nationaux et européens seront associés à l’élaboration des textes sous une forme appropriée – rien ne doit empêcher les peuples membres de l’Eurozone de choisir eux-mêmes les piliers de sa consolidation. Nous demandons aux élus de contribuer à l’éveil des esprits, et de ne pas dessaisir les peuples de leur propre participation. Ils auront à ratifier – ou non – les décisions de la Conférence intergouvernementale, dont l’issue pourrait éventuellement traduire une volonté de coopération renforcée, mais non unanime, pour l’Eurozone. Il faudra ensuite plusieurs années pour aller plus loin, sachant que cela exige le rapprochement des nations, leur désir d’union et leur volonté de co-responsabilité. Déjà ce sera une performance d’obtenir l’acceptation et le soutien pour une première étape, qui exige un dialogue public transfrontières de grande ampleur et une volonté de fer des dirigeants les plus impliqués. Ainsi jugeons-nous que le devoir des candidats à l’élection présidentielle française, de même qu’aux élections de 2013 en Italie et dans d’autres pays, est de promouvoir ce débat, en présentant leurs options dans un débat loyal, constructif et porteur d’unité. Seule l’appropriation des enjeux et des responsabilités par les citoyens, les acteurs sociaux et économiques et les sociétés civiles organisées, permettra de construire une Union économique et monétaire viable, c’est-à-dire solidaire et dynamique, au coeur d’une Union politique de l’Europe. C’est notre tâche à tous et nous nous y engageons dès maintenant.

À Paris, le 24 novembre 2011,

19 décembre 2011