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"Une récompense bienvenue mais sous-exploitée "


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La semaine dernière, Nathalie Griesbeck était interviewée par La Libre.be sur l’attribution, par le PARLEMENT EUROPEEN, du PRIX SAKHAROV pour la liberté de l’esprit à MALALA YOUSAFZAI, une jeune fille pakistanaise qui milite pour les droits des jeunes filles à l’éducation! http://www.lalibre.be/actu/international/une-recompense-bienvenue-mais-sous-exploitee-5257738e357043b5385804fd#.Ul69-4Ze4tM.email  .

Une récompense bienvenue mais sous-exploitée

Publié le vendredi 11 octobre 2013 à 05h42
Lauréate du prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, attribué jeudi par le Parlement européen, la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai a fait l’unanimité à Strasbourg. Deux autres candidatures étaient en lice : celles de dissidents biélorusses et d’Edward Snowden, le « lanceur d’alerte » sur les systèmes de surveillance américains soutenu par les verts et les communistes. « Nous savions que Snowden n’avait guère de chance, raconte l’Ecolo belge Isabelle Durant, mais nous voulions poser un geste politique, histoire de rappeler qu’il existe des valeurs sur lesquelles l’Europe ne transige pas. »

Un signal politique, c’est bien là le sens du prix Sakharov et c’est là aussi que naissent parfois les controverses. C’est ainsi que certains crièrent à une mainmise du groupe majoritaire dans l’hémicycle, à savoir les conservateurs du Parti populaire européen. La polémique éclata en particulier lorsque, en 2008, la conférence des présidents des groupes politiques (à qui revient le choix final) se prononça pour la nomination du journaliste anticastriste Guillermo Fariñas après avoir distingué, en 2005, le mouvement des « Femmes en blanc » également cubain, et, en 2002, l’opposant Oswaldo Payá Sardiñas, lui aussi cubain. Reproche que ne partage pas la libérale Nathalie Griesbeck, membre de la Commission des libertés publiques. A ses yeux, le fait que des membres de la Gauche unitaire européenne (communistes) aient quitté l’hémicycle au moment de la remise du prix au dissident cubain a été bien plus choquant.

« Il y a bien sûr des jeux politiques. C’est toujours intéressant en termes de prestige de voir ‘son’ candidat couronné », estime Olivier Basille, le directeur de Reporters sans Frontières-Belgique – RSF qui fut lauréat en 2005. « Mais si certains choix font l’objet d’une arithmétique un peu spéciale, d’autres sont vraiment assez courageux. Et ce n’est pas toujours le candidat du parti dominant qui l’emporte. » Et de citer le cas du dissident chinois Hu Jia ou de la Kurde Leyla Zana. Des choix qui n’étaient pas vraiment politiquement corrects.

Et après ?

Quoi qu’il en soit, Isabelle Durant et Nathalie Griesbeck veulent croire que le prix Sakharov fait bouger les lignes dans les pays d’origine des lauréats. « Par le biais du Parlement, un demi-milliard de personnes mettent un coup de projecteur sur un individu », déclare cette dernière. « Si ça ne change pas forcément la vie du lauréat, cela fait réfléchir autour de lui sur la dignité du genre humain. Même s’il existe parfois des risques de rétorsion ‘impulsive’ de la part des gouvernements concernés. »

« Le prix Sakharov est une très belle idée mais, malheureusement, le Parlement européen n’en a jamais tiré tout le potentiel politique », commente de son côté Olivier Basille. Depuis 25 ans, il a pourtant récompensé des personnalités qui ont parfois acquis par la suite une stature politique importante dans leur pays. « Pour ceux qui le reçoivent, il leur apporte non seulement un poids moral, mais aussi une forme d’assurance. En ce qui concerne le dissident chinois Hu Jia, qui l’a reçu en 2008, cela a largement contribué à ce que ses conditions de détention ne se dégradent pas, même si cela ne l’a pas fait sortir de prison. »

Le problème, c’est qu’une fois passé le temps de l’annonce, cette visibilité s’estompe rapidement, observe M. Basille. Et c’est la raison pour laquelle RSF a pris l’initiative de créer un réseau Sakharov informel en 2008. Les différents lauréats s’étaient alors engagés en faveur de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, emprisonnée par la junte de son pays. Ce réseau fut ensuite officiellement entériné par le Parlement, mais il n’a jamais réellement reçu les moyens humains et financiers pour tirer parti des possibilités d’actions offertes par le prix. RSF ne manque pourtant pas d’idées : « On pourrait confier aux lauréats une mission d’ambassadeur, un peu à la manière de ce que fait l’Unicef, pour qu’ils puissent être les acteurs de démarches en matière de droits de l’homme. On a également suggéré de créer une Sakharov House à Bruxelles, qui serait une zone de transit où des dissidents pourraient se mettre un temps au vert. »

Autant de pistes que pourrait exploiter la cellule éponyme qui a récemment vu le jour au Parlement.

18 octobre 2013