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TTIP, TAFTA, ISDS, mes explications et ma position


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Ces dernières semaines, vous avez été nombreux à m’alerter sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TAFTA ou TTIP) et, ces derniers jours, sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS). Je souhaite aujourd’hui vous apporter quelques clarifications ainsi qu’une réponse claire et complète quant à ma position au sein du Parlement européen sur ce Traité international. Je vous invite également à la plus grande prudence vis à vis des articles ou documents qui circulent et qui contiennent parfois beaucoup d’informations erronées ou approximations. Vous trouverez dans l’article ci-dessous de nombreuses explications sur le TTIP et sur ma position sur le TTIP.

Qu’est-ce-que le TTIP / TAFTA ?

Le TAFTA est un accord international en cours de négociations, depuis 2013. Cet accord a pour objectif de rapprocher les règles commerciales de nos deux espaces : américain et européen.

A l’heure actuelle, il n’y a pas d’accord. Cet accord est en cours de négociation, le 9ème round de négociations a eu lieu en avril dernier, le 10ème round aura lieu en juillet à Bruxelles.

Quelle est la procédure qui s’applique ?

Selon les Traités européens, les négociations relatives aux accords de libre-échange sont une compétence exclusive européenne. Ainsi, dans un premier temps, le Conseil de l’Union européenne – c’est à dire les États membres, dont la France – donne mandat, avec l’accord du Parlement européen, à la Commission européenne pour négocier un accord. La Commission européenne négocie ensuite, au nom de tous les Etats européens l’accord en question. Une fois les négociations terminées, le Conseil et surtout le Parlement européen doivent approuver l’accord négocié ou le rejeter.

Quid de la transparence des négociations ?

Tout comme de nombreuses organisations, le Parlement européen a fermement dénoncé le manque de transparence des négociations en cours. Le Parlement a ainsi rappelé dans une résolution du 23 mai 2013, l’obligation qu’a la Commission, de tenir les députés européens immédiatement et pleinement informés à toutes les étapes des négociations. Si une certaine « discrétion » dans les négociations peut être compréhensible et justifiée par la protection d’intérêts stratégiques, il est absolument fondamental que les éléments principaux, le déroulé, le contenu des négociations soient publics et disponibles. Suite aux nombreuses plaintes et pressions, je vous informe que la Commission européenne a publié, en octobre 2014, le mandat de négociation qu’elle a obtenu pour négocier cet accord TAFTA/TTIP. En outre, la Commission européenne vient à présent, régulièrement devant le Parlement européen, pour informer les députés européens de l’avancée des négociations.

Le contenu de l’accord et les lignes rouges très claires du Parlement européen

Tout d’abord, dans les nombreuses discussions en cours, l’essentiel est souvent occulté : l’UE est la première puissance commerciale du monde, devant les États-Unis. Notre « marché » de 500 millions de consommateurs nous met en position de force si nous savons définir une position commune européenne solide.

Deuxièmement, ces négociations suscitent, à juste titre beaucoup de méfiance et d’inquiétudes, principalement concernant les questions d’exception culturelle, de sécurité alimentaire (dont les OGM et les animaux nourris  aux hormones), d’indications géographiques protégées (IGP) et de protection des données personnelles, les mécanismes d’arbitrage et je partage pleinement ces inquiétudes. Si je crois qu’un tel accord pourrait avoir potentiellement des effets bénéfiques sur la croissance, je pense néanmoins que l’Union européenne doit défendre et conserver les principes fondamentaux qui sont au cœur de son projet politique

Dans ce sens, le Parlement européen a posé très clairement et à une très large majorité, des lignes rouges très précises : respect des droits fondamentaux, principe de précaution, exception culturelle, protection des produits de qualité européens, protection des appellations et indications géographiques, normes sanitaires, lutte contre le réchauffement climatique pour les négociations de cet accord, lors du vote de la « Résolution sur les négociations en vue d’un accord en matière de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis » adoptée en mai 2013 Nous exigeons en effet, une harmonisation par le haut, fondée sur les normes les plus exigeantes de qualité et de sécurité. Notre modèle européen aux standards de qualité élevés n’est pas négociable.

Vous trouverez la résolution au lien suivant : www.europarl.europa.eu.

Les négociations avançant, le Parlement est en train de rédiger un nouveau rapport, posant à nouveau ces lignes rouges très claires. Ce projet de rapport a été adopté en commission commerce international (INTA) – au sein de laquelle je ne siège pas – le 28 mai dernier, il sera présenté et mis aux voix en session plénière du Parlement européen prochainement. Dans ce nouveau projet de rapport, le Parlement insiste sur la défense des intérêts européens : transport, services professionnels, télécoms, marchés publics et demande une véritable réciprocité. Le Parlement y précise ses lignes rouges : diversité culturelle (notamment l’exclusion des services audiovisuels), la protection des données personnelles, le respect des conventions internationales du travail pour éviter tout dumping social, le principe de précaution, la protection des produits de qualité européens, etc.

Et l’ISDS alors ?

Concernant le mécanisme de règlement des différends entre Etats et investisseurs (RDIE / ISDS), je vous informe premièrement, qu’à ce sujet, rien n’est encore décidé. En effet, l’inclusion d’un tel mécanisme d’arbitrage est l’un des plus forts points de blocage pour l’Union Européenne, où nous sommes beaucoup à considérer que de tels tribunaux risquent de donner davantage de pouvoir aux multinationales au détriment des Etats.

Pour répondre à l’ampleur du débat public et aux nombreuses craintes exprimées sur ce point précis, la Commission européenne a lancé au printemps 2014, une consultation publique sur ce point précis. 150 000 réponses ont été reçues par la Commission européenne. Le 16 juillet 2014, le nouveau Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, a indiqué dans son discours devant le Parlement européen qu’il « n’accepterai pas que la juridiction des tribunaux des Etats de l’Union Européenne soit limitée par des régimes spéciaux applicables aux litiges entre investisseurs« . Le 5 mai dernier, la Commission européenne a présenté des pistes de réflexion pour réformer ce mécanisme vers la mise en place d’un système multilatéral et d’une Cour permanente d’investissement pour remplacer le système d’arbitrage ad hoc.

Sur ce point précis, le rapport adopté par la commission commerce international (INTA) le 28 mai dernier se prononce effectivement pour un mécanisme de règlement des différends mais contre le mécanisme dit ISDS qui existe actuellement et qui contient de nombreuses failles (conflits d’intérêts, manque de transparence, etc.). Le rapport se prononce pour un mécanisme réformé avec des juges publics, désignés à l’avance (et non des arbitres nommés de manière ad hoc par les parties), pour une transparence des procédures et pour la création d’un mécanisme d’appel. Le rapport demande également la création d’une Cour internationale publique pour assurer visibilité, indépendance et cohérenceSans ces conditions, de nombreux députés – dont je fais partie – n’accepteront jamais l’inclusion d’un tel mécanisme d’arbitrage.

Je vous informe, pour ma part que je suis totalement opposée au mécanisme, tel qu’il existe, de l’ISDS; en revanche, je suis favorable à la création d’une Cour internationale publique qui pourrait être compétente pour ce type de litige.

Un vote en plénière ?

Dernier point de procédure : un débat et un vote devaient avoir lieu en session plénière du Parlement européen ce 10 juin 2015 ; face à la complexité du dossier et afin de laisser aux différents groupes politiques plus de temps pour trouver, ensemble, un texte de compromis (justement concernant ce mécanisme d’arbitrage réformé), il a été décidé de reporter ce débat et ce vote à la session plénière prochaine.

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En tout état de cause, vous pouvez être certains que je serai très vigilante en lien avec ma collègue et Vice-Présidente du Mouvement Démocrate, Marielle De Sarnez, qui siège au sein de la commission Commerce International du Parlement Européen. Soyez certain, en outre, que je n’abandonnerai pas les limites que nous avons fixées. Je n’hésiterai pas (tout comme de nombreux autres députés européens) à rejeter le texte de l’accord TAFTA/TTIP, une fois les négociations terminées, s’il ne respecte pas mes lignes rouges, comme je l’ai fait par le passé avec l’accord ACTA et SWIFT par exemple.

 


12 juin 2015