Ce mercredi 15 février, le Parlement européen s’est prononcé, à une large majorité, pour l’accord de commerce UE-Canada (dit accord CETA). Nathalie Griesbeck vous explique, en vidéo, sa position sur cet accord.
Chers lecteurs,
Chers amis,
Mesdames, Messieurs,
Ces dernières semaines, vous avez été nombreux à m’interpeller – de manière positive ou négative – sur l’accord de commerce UE-Canada (dit accord CETA) et je souhaite vous apporter une réponse claire et complète quant à la position que j’ai prise sur cet accord mais aussi vous apporter quelques clarifications.
Pourquoi j’aurais voulu voter pour ?
Premièrement, car l’accord CETA a pour objectif de contribuer à multiplier les échanges entre deux espaces : l’Union Européenne et le Canada qui sont des partenaires historiques et qui partagent les mêmes valeurs ! L’UE est le 2ème partenaire commercial du Canada et le Canada est le 12ème partenaire commercial de l’UE. L’UE et le Canada sont des partenaires commerciaux et économiques de longue date, qui partagent des objectifs communs en matière de politique commerciale et des valeurs communes. Donc, j’étais, pour ma part, tout à fait favorable, sur le principe, à un tel accord entre l’Union Européenne et ce pays partenaire clef qu’est Canada.
Deuxièmement, car cet accord représente une véritable opportunité pour les entreprises, qui vont pouvoir être présentes sur le marché canadien, et les citoyens, qui vont avoir accès aux produits canadiens. Cet accord prévoit en effet l’élimination des droits de douane sur les importations de marchandises originaires de l’UE ou du Canada, soit au moment de l’entrée en vigueur de l’accord soit graduellement dans un délai de 3, 5 ou 7 ans pour la quasi-totalité des marchandises. Dans le domaine des services, un accès aux marchés publics canadiens accru pour les entreprises européennes a été obtenu (les entreprises européennes seront donc les seules entreprises non-canadiennes à pouvoir participer aux appels d’offres à tout niveau). Rappelons ici que nos marchés publics en Europe sont déjà ouverts à la concurrence. Donc cet accord permettra une vraie réciprocité et de nouveaux débouchés pour nos entreprises !
Troisièmement car c’est un accord aux normes élevées (contrairement à ce qui est dit ça et là) qui va nous permettre d’exporter nos standards de protection, qui deviendront alors un modèle pour l’avenir !
L’accord contient des dispositions pour la convergence et la coopération règlementaire, en matière de future compatibilité des régulations techniques, de création d’un système pour faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, un chapitre obligeant les deux parties au respect des engagements internationaux concernant le travail (normes sociales) et l’environnement….
Ensuite, contrairement à ce qui est dit ça et là, le CETA n’aura aucune incidence sur les règles relatives à l’environnement et à l’alimentation dans l’UE, les produits canadiens ne pouvant être importés et vendus dans l’UE que s’ils respectent pleinement la réglementation européenne en vigueur (par exemple sur les OGM).
À noter également, pour quelques produits agricoles sensibles (bœuf, volaille, laitiers), un traitement spécial ou l’exclusion de toute réduction tarifaire sont prévus.
Sur les droits de propriété intellectuelle : Dans le cadre des négociations, la protection de 145 indications géographiques européennes a été obtenue, alors qu’avant aucune n’était protégée !
Sur le domaine culturel : Il est réaffirmé, dans l’accord, le droit des deux parties à prendre des mesures pour préserver et promouvoir la diversité culturelle. L’accord ne limitera d’aucune manière la capacité des gouvernements à subventionner les activités culturelles. Le secteur audiovisuel est lui, exclu de l’accord.
Quatrièmement, cet accord me semble être plutôt équilibré en termes de réciprocité entre deux partenaires commerciaux (c’est un point clef) et en termes de garanties que nous (côté européen) avons réussi à obtenir de la part du Canada.
Dernier élément qui me semble tout à fait clef : un élément plutôt géopolitique qui me semble tout à fait important : à l’heure où Donald Trump vient d’être élu Président des États-Unis, à l’heure où l’équilibre géopolitique du monde va – sans doute – en être modifié, il me semble tout à fait clef, pour l’Europe et pour tous les Etats européens, d’approfondir et de solidifier nos relations avec ce pays partenaire clef, qui partage nos valeurs et nos standards, qu’est le Canada.
Pourquoi je me suis finalement abstenue ?
Ainsi, vous l’avez compris, mon sentiment était un sentiment plutôt favorable à cet accord que j’ai bien étudié, dans les détails.
Toutefois, pour trois raisons j’ai souhaité m’abstenir :
Premièrement au vu de l’ampleur de la contestation citoyenne, j’ai été énormément sollicitée, par certains d’entre vous et j’ai tenu à écouter cette contestation.
Deuxièmement, l’impact potentiel de cet accord sur le secteur bovin. Les éleveurs s’inquiètent de l’impact sur leur filière des quotas d’importation de bœuf canadien trop élevés. J’ai rencontré les éleveurs dans ma circonscription et bien qu’une clause de sauvegarde soit prévue dans l’accord, je partage les inquiétudes de ce secteur.
Troisièmement sur le mécanisme de règlement des différends. Dans ce domaine, l’accord CETA représente un véritable progrès : la proposition de la Commission européenne pour un nouveau “Système Juridictionnel des Investissements” a été acceptée par le Canada. Les juges siégeant dans ce nouveau tribunal public d’arbitrage seront nommés par l’UE et le Canada, en fonction de leurs compétences et seront astreints à un code de conduite stricte de manière à éviter tout conflit d’intérêt. Si j’étais totalement opposée au mécanisme de l’ISDS tel qu’il était initialement formulé, le “Système Juridictionnel des Investissements” me semble être un développement tout à fait positif des “mécanismes d’arbitrage”. Toutefois, je défends et j’aurais souhaité pour ma part la mise en place d’une cour internationale publique.
Ainsi, voici la position que j’ai adoptée lors de ce vote en session plénière du Parlement européen.