Newsletter


Voir toutes les newsletters

Femmes, médias, cyber-harcèlement: une journée pour en débattre


Mon action

A l’occasion de la Journée internationale des Droits des Femmes 2018, Nathalie Griesbeck est intervenue lors d’un colloque organisé par le Parlement européen, à Strasbourg, et dont la thématique était on ne peut plus actuelle : les femmes dans les médias et les nouvelles technologies. Dans un débat modéré par Annette Gerlach, journaliste de la chaîne Arte, Nathalie Griesbeck a ainsi souhaité dans ce cadre évoquer la face sombre de la présence des femmes en ligne : le cyber-harcèlement et la cyber-intimidation.

*

L’égalité réelle entre les femmes et les hommes est un des objectifs de l’Union européenne, l’un des principes qui sous-tend le droit communautaire. Cependant, force est de constater que de nombreuses inégalités subsistent, tant sur le plan professionnel que celui de la vie privée. Le Parlement européen a choisi cette année de consacrer une journée à la place des femmes dans les médias et dans les nouvelles technologies. Les femmes restent en effet sous-représentées dans l’espace médiatique européen tout comme dans le secteur des nouvelles technologies.

Quelques constatations et chiffres édifiants : un rapport du Parlement européen, qui sera mis aux voix lors de la session plénière d’avril indique que dans les médias européens seules 24 % des personnes que l’on entend ou dont il est question aux informations sont des femmes, et que l’on compte en Europe 40 % de femmes employées dans le secteur des médias. Les chiffres ne sont guère mieux dans le secteur des nouvelles technologies, où un rapport voté l’année dernière par les députés européens pointe la faible présence de femmes dans ce secteur d’activité en pleine expansion : on compte dans l’Union européenne seulement 9% de développeurs femmes, et moins d’un directeur sur cinq dans le secteur des TIC est une femme.

Les nouveaux médias sociaux, quant à eux, représentent une formidable plate-forme, une opportunité nouvelle, dont les femmes usent de plus en plus pour faire entendre leurs voix : selon une étude du PEW Research Center de 2016, 76 % des femmes utilisent les médias sociaux contre 72 % des hommes.

Cependant, comme l’a souligné Nathalie Griesbeck, cette présence des femmes en ligne est un « Janus bifrons » : une face lumineuse, avec une prise de parole libérée sur les différents outils que sont Twitter, Facebook, YouTube ou encore les blogs, mais une face beaucoup plus sombre, les femmes étant bien trop souvent la cible de cyber-harcèlement. Celui-ci peut prendre plusieurs formes, avec des degrés de gravité différents, mais toutes inacceptables : les insultes, le « stalking » qui est le fait de surveiller et de suivre à la trace une femme (en ligne ou non), les « raids » qui consistent à attaquer en masse une seule victime, les menaces (de viol, voire de meurtre dans les plus graves des cas), mais aussi le « revenge porn », terme qui désigne le fait de diffuser des photos intimes sans le consentement de la victime, et qui touche des personnes de plus en plus jeunes. La limite entre « virtuel » et « réel » est souvent bien fine lorsque lors de « raids » notamment l’adresse ou des informations personnelles sur la victime sont révélées.

Ce n’est absolument pas un phénomène marginal : le rapport du Parlement européen sur l’égalité des genres dans le secteur des médias mis aux voix en avril prochain estime qu’une femme sur dix dans l’Union a subi une forme de cyberviolence depuis l’âge de 15 ans. Une étude de l’agence européenne des droits fondamentaux (FRA) datant de 2014 estime quant à elle que 20% des femmes européennes âgées de 18 à 29 ans ont été victimes depuis leurs quinze ans de cyber-harcèlement d’ordre sexuel.

Après ces quelques rappels, Nathalie Griesbeck a évoqué la responsabilité des pouvoirs publics dans la lutte contre ce phénomène, ainsi que les difficultés rencontrées, l’anonymat permis par Internet étant en première ligne. Différentes dimensions sont en effet à prendre en compte par le législateur : la lutte contre les comportements sexistes et la limite parfois ténue qui les sépare du harcèlement ou encore l’auto-régulation des plateformes (Twitter, Facebook, Youtube), seule une minorité de contenus sexistes étant signalés. L’accompagnement et la prise en compte des témoignages des victimes est également primordial : beaucoup de femmes n’osent pas aller porter plainte. En 2016, en France, on recense seulement 56 plaintes et 21 condamnations pour cyber-harcèlement. Ces chiffres ne représentent pas du tout la réalité constatée en ligne.

Comme l’a rappelé avec force Nathalie Griesbeck, Internet ne doit pas être une zone de non-droit : ces comportements virtuels ont des conséquences bien réelles.

*

14 mars 2018