En qualité de membre de la Commission Libertés Civiles, Justice et Affaires Intérieures (LIBE) au Parlement Européen, Nathalie Griesbeck s’est rendue en Tunisie, avec 5 autres députés européens pour constater la situation des réfugiés sur place et traiter des défis soulevés par les mouvements migratoires et l’accueil des réfugiés en Tunisie, 6 mois après la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali et le début du conflit en Libye. Retrouvez en détails, en photos et en vidéos, le déroulement de la délégation ainsi que ses conclusions.
JOUR 1 : Arrivée et préparation des visites de camps avec les acteurs humanitaires de terrain
Mercredi après-midi, la délégation du Parlement Européen est arrivée à Djerba, dans le Sud de la Tunisie, proche de la frontière libyenne. Les députés européens ont ainsi pu rencontrer les acteurs humanitaires de terrain, principalement du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) et de l’Organisation internationale des migrations (OIM) pour préparer les visites des camps de réfugiés du jeudi. L’occasion pour Nathalie Griesbeck de se déclarer « prête pour une visite de camp émouvante et difficile« . « Fuir est un droit, accueillir est un devoir« , a-t-elle souligné
JOUR 2 : « Une visite de camps de réfugiés impressionnante et chargée d’émotions »
Jeudi, la délégation du Parlement Européen s’est rendue à la frontière tuniso-libyenne pour visiter les camps de réfugiés de Choucha, tenu par le haut commissariat aux réfugiés des Nations unies, et celui tenu par les Emirats arabes unis, à Ras Jdir. Ils ont pu y rencontrer les acteurs humanitaires (UNHCR, Croix Rouge, Organisation internationale des migrations, Médecins sans frontières, UNICEF…), l’armée tunisienne qui assure la sécurité des camps ainsi que les réfugiés eux-mêmes.
Des centaines de milliers de personnes ont franchi la frontière tuniso-libyenne au cours des derniers mois pour fuir les violences et la situation en Libye. Le plus grand camp de réfugiés, le camp de Choucha, installé à 7 km de la frontière, a accueilli jusqu’à 20 000 personnes au plus fort de la crise et héberge encore aujourd’hui 3 700 personnes de 22 pays différents y compris la Somalie, l’Érythrée, l’Éthiopie et le Soudan, attendant d’être réinstallées. Les tensions sont fortes, tant à l’intérieur du camp qu’avec la population locale, et des incidents ont causé la mort de quatre réfugiés et provoqué l’incendie des trois quarts du camp fin mai dernier. L’autre camp, administré par les Émirats arabes unis, compte actuellement 740 personnes. Les membres de la délégation du Parlement Européen ont pu discuter directement avec ces réfugiés, pour une grande partie issus d’Afrique subsaharienne, leur permettant de se rendre compte des difficultés matérielles et humaines auxquelles ils font face et surtout de leur manque d’espoir. « Le problème, c’est le manque d’espoir. C’est pour cela que les gens partent illégalement pour l’Italie« , a précisé un autre migrant.
JOUR 3 : Rencontres officielles
Vendredi matin, Nathalie Griesbeck et ses collègues ont pu rencontrer le nouveau Premier ministre de la Tunisie, Monsieur Beji Caied Essebsi, ainsi que les Ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur et des Affaires Sociales, Messieurs Mohamed Mouldi Kefi et Habib Essid, mais aussi des représentants de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. Ils ont été reçus par le Directeur de mission de l’Union européenne et l’ambassadeur américain.
Conclusions : un appel clair à une réponse européenne
Les membres de la délégation du Parlement Européen ont tenu une conférence de presse à Tunis pour présenter les conclusions de ces visites et ont tenu à souligner ensemble deux éléments principaux : la nécessité, pour les Etats européens, d’offrir plus de places de réinstallation pour les réfugiés encore dans les camps ; et la demande que le sujet soit débattu lors de la réunion informelle des ministres européens de l’intérieur, les 18 et 19 juillet en Pologne.
Les révolutions dans le monde arabe ont en effet mis à l’épreuve la politique d’asile et d’immigration de l’Union européenne et l’Europe doit relever les défis qui découlent de cette situation : traitement des réfugiés, aide humanitaire et impact sur les migrations vers l’Europe. Les États membres doivent faire davantage et augmenter leurs efforts pour la réinstallation des réfugiés des zones de conflit, qui séjournent dans les camps de la frontière tuniso-libyenne, ne peuvent regagner leur pays et n’ont aucun endroit où aller (NB : depuis le début de la crise, les Etats de l’Union Européenne n’ont proposé que 466 possibilités de réinstallation alors que plus de 5000 personnes en ont besoin!). Les membres de la délégation ont regretté la faiblesse de la réponse européenne et souligné la solidarité dont ont fait preuve les Tunisiens, qui ont gardé leurs frontières ouvertes et accueilli les gens fuyant la Libye.
Déclaration commune des membres de la délégation :
« Cette visite nous a vraiment éclairé. Nous avons été bouleversés par les conditions extrêmement pénibles dans lesquelles les gens vivent, notamment étant donné la chaleur, les tempêtes de sable, l’accès limité à l’eau propre et l’absence de conditions sanitaires et d’hygiène adéquates. Cette situation touche en particulier les enfants et les femmes enceintes.
Nous avons été impressionnés par l’extrême solidarité et l’hospitalité de la population tunisienne qui continue d’accueillir les citoyens des pays tiers qui ont fui la Libye.
Il y a là une leçon à tirer pour les États membres de l’Union. Nous regrettons la faiblesse de la réponse des États membres, notamment lorsqu’on compare avec les efforts consentis par des pays comme la Norvège, les États-Unis et le Canada. L’Union européenne doit contribuer davantage à la réinstallation des réfugiés en provenance de zones de conflit qui ne peuvent regagner leur pays. Nous demandons instamment aux États membres d’adhérer au programme de réinstallation proposé, y compris au mécanisme d’urgence.
Nous demandons aux ministres des affaires intérieures d’examiner cette question à la réunion informelle des ministres de la Justice et de l’Intérieur (JAI) des 18 et 19 juillet en Pologne. L’Europe doit relever les défis engendrés par cette situation, notamment le sort des réfugiés et l’octroi d’aide humanitaire, mais aussi l’impact sur la migration en Europe. L’Union européenne ne peut fermer les yeux sur cette réalité dramatique.
Il s’agit d’une question internationale qui nécessite une réponse internationale. La Tunisie a déjà connu sa propre révolution et elle fait face à d’importantes difficultés économiques et sociales, étant donné, notamment, les niveaux exceptionnels de chômage chez les jeunes. Les flux migratoires représentent une charge supplémentaire qui doit être partagée ».
Déclaration signée par: Simon Busuttil, Claude Moraes, Judith Sargentini, Agustín Díaz de Mera, Nathalie Griesbeck et Sylvie Guillaume.
25 juillet 2011