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Je signe l'appel pour une politique adaptée aux mineurs isolés


LIBE / Visiter le Parlement

Rapporteur du Parlement Européen sur la situation des mineurs non accompagnés au sein de l’Union Européenne, Nathalie Griesbeck est cosignataire de « l’appel pour une politique européenne d’asile adaptée aux mineurs isolés étrangers », lancé à l’initiative de France Terre d’Asile, de l’UNICEF et du CFPE (Centre Français de Protection de l’Enfance). Lire l’appel ci-dessous et signez l’appel vous aussi!

Des mineurs étrangers sans représentant légal sont présents dans les 27 pays de l’Union Européenne. Comme les adultes, une grande partie de ces jeunes a fui les conflits et les persécutions dont ils étaient victimes dans leur pays d’origine : enrôlement de mineurs, trafic d’enfants pour prostitution, exploitation sexuelles, mutilation génitale des filles, travail des enfants… Nombreuses sont les raisons qui poussent ces enfants sur les routes de l’exil, en quête d’asile et de protection… L’Union Européenne est particulièrement concernées par cette question puisqu’elle accueille 74% des mineurs isolées demandeurs d’asile.

Alors que les États de l’Union Européenne se sont engagés à établir un Régime d’Asile Européen Commun (RAEC), l’adaptation des procédures et des pratiques pour les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile reste un enjeu essentiel. En effet, cette population particulièrement vulnérable nécessite des normes adaptées à sa situation spécifique. Afin d’analyser la législation et les pratiques dans ce domaine au sein de l’Union européenne, France terre d’asile s’est vu confier la coordination d’une étude comparative par la Commission européenne, en partenariat avec six autres organisations européennes. Les résultats de ce projet seront diffusés lors de deux conférences, la première à Paris le 17 septembre 2012 et la seconde à Budapest le 30 octobre 2012. Pour chacun des différents thèmes relatifs au droit d’asile des mineurs isolés étrangers, cette étude met en lumière un double constat. D’une part, le droit d’asile des mineurs non accompagnés ne fait pas encore l’objet d’une mise en œuvre harmonisée et conforme aux engagements des Etats au regard du droit international et européen. Cependant, les nombreuses bonnes pratiques identifiées dans chacun des pays démontrent que des améliorations concrètes sont réalisables

I. UNE MISE EN OEUVRE DISPARATE DU DROIT D’ASILE POUR LES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS EN EUROPE

Il ressort de cette étude que les procédures d’asile ne sont généralement pas adaptées aux enfants. En effet, l’application du cadre légal relatif à l’asile se fait souvent de la même manière que pour les adultes. L’absence même de statistiques détaillées pour cette population dans un grand nombre de pays illustre, à elle seule, cette faible prise en compte de la minorité. Dès leur arrivée, les mineurs sont confrontés à la difficulté de comprendre le cadre du droit d’asile et s’écartent parfois de cette voie à cause d’un manque d’informations adaptées. Les refoulements à la frontière sans examen approfondi de la situation des mineurs sont par ailleurs mis en œuvre dans certains pays. Au Royaume Uni par exemple, les mineurs non accompagnés interpellés au port de Douvres peuvent être renvoyés en France ou en Belgique sans que leur besoin de protection n’ait fait l’objet d’une évaluation appropriée. La nécessité de disposer d’un représentant légal formé à ces questions demeure aussi un impératif trop souvent négligé par les Etats. A Chypre, le système de représentation légale est défectueux et les demandes formulées par des mineurs ne sont pas traitées avant qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. Dans certains pays, comme l’Allemagne, l’Irlande et la Slovaquie, la demande d’asile doit être déposée avec l’approbation du tuteur et ce dernier peut décider que cela n’est pas nécessaire ou pas dans l’intérêt de l’enfant, et ce sans tenir compte de son opinion. L’application du règlement Dublin II, qui rend possible le transfert des demandeurs d’asile d’un pays européen à un autre, ne prend généralement pas en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est ainsi qu’en Allemagne, les transferts sont mis en œuvre sans accompagnement ni information donnée au mineur sur la suite de leur prise en charge. Pendant la procédure d’asile, les conditions d’hébergement ainsi que le suivi juridique, social et médico-psychologique sont parfois inadaptés. En Roumanie par exemple, les mineurs de plus de 16 ans sont hébergés dans des centres pour adultes qui ne fournissent ni nourriture ni accompagnement spécifique. Il arrive même que des mineurs demandeurs d’asile fassent l’objet d’une mesure de privation de liberté. En Grèce par exemple, les enfants non accompagnés peuvent être placés en détention, qu’ils soient demandeurs d’asile ou non. En France, les mineurs peuvent être maintenus jusqu’à 20 jours en zone d’attente à leur arrivée à l’aéroport, dans des conditions rendant difficile l’examen de leur situation au regard de l’asile. L’entretien, moment clé du processus d’attribution du statut de réfugié, est généralement réalisé dans les mêmes conditions que les adultes, compliquant ainsi l’expression de la réelle situation subie par le mineur. Dans certains pays comme l’Autriche, le Danemark, ou Malte, il semble que les enfants soient toujours interrogés dans les mêmes conditions que les adultes. Enfin, les motifs de persécution spécifiques aux enfants sont rarement considérés au moment de la prise de décision, celle-ci étant par ailleurs communiquée aux enfants sans s’assurer de leur réelle compréhension. Dans de nombreux pays, comme la Bulgarie, ou le Portugal, les formes de persécution spécifiques à l’enfant ne sont pas mentionnées dans la législation ou les directives nationales et, en pratique, il n’y a aucun cas connu indiquant que des enfants aient obtenu une protection du fait de l’existence de ces formes de persécution.

II. DES BONNES PRATIQUES NATIONALES TRANSPOSABLES À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

Malgré ce constat d’une protection globalement peu satisfaisante, les bonnes pratiques sont nombreuses en Europe. On en trouve dans tous les pays, qu’ils accueillent peu ou beaucoup de mineurs isolés demandeurs d’asile. Ces bonnes pratiques se situent au niveau de l’accueil, de l’information et du traitement même de la demande d’asile des mineurs isolés étrangers.

Ainsi, en Autriche par exemple, dans le cadre des procédures de gestion des frontières à l’aéroport de Vienne, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a la possibilité d’émettre un véto sur les demandes d’asile rejetées des enfants non accompagnés et donc d’autoriser l’entrée sur le territoire. En termes d’accès à l’information, en Suède, le Conseil des migrations prévoit un document spécial pour les enfants qui contient différentes informations générales sur le processus de demande du statut de réfugié. De plus, la Croix-Rouge suédoise tient des « ateliers d’information sur le droit d’asile » dans les centres de jeunes où vivent les mineurs non accompagnés. Aux Pays-Bas, les tuteurs doivent être titulaires d’un diplôme de travailleur social. Pour aider les tuteurs, des ateliers et des séminaires sont organisés par une organisation chargée de coordonner leur activité (NIDOS). Les mineurs isolés étrangers demandeurs d’asile nécessitent un suivi adapté et un soutien spécifique. En France, il existe un centre au niveau national spécialement conçu pour eux, qui offre une assistance juridique et éducative et qui assure ce suivi. Ce centre d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés demandeurs d’asile (appelé « CAOMIDA ») est situé à proximité de Paris. Un psychologue et un expert juridique y travaillent pour aider les enfants dans le cadre de leur demande d’asile. En Belgique, le Barreau francophone de Bruxelles dispose d’un service d’assistance juridique avec une division spécialisée dans l’aide aux mineurs non accompagnés, composée de 15 avocats qui se forment de façon autonome et se consultent entre eux pour toutes les procédures concernant des mineurs non accompagnés. Sur le traitement même de la demande d’asile, en Irlande, le HCR organise des formations sur les principes clés pour interroger des enfants et couvrir l’ensemble de la procédure d’évaluation de la protection (évaluation de la crédibilité, charge de la preuve, formes de persécution spécifiques à l’enfant …). En Belgique, Les mineurs non accompagnés sont entendus dans des salles spéciales. La Commission sur le droit d’asile a adopté une technique spécifique appelée « méthode de communication dialogique ». Cette technique est conçue pour être spécialement adaptée à la mémoire des enfants. Une autre spécificité de cette technique d’entretien est de laisser l’enfant parler librement dans un premier temps de ses expériences sur un sujet donné, avant de poser des questions plus précises. En République tchèque, l’enfant et son tuteur sont tous les deux informés de la date de remise de la décision relative à la demande d’asile et le responsable du Ministère de l’Intérieur se rend dans le centre pour faire part de la décision le jour prévu. Le tuteur doit être présent également pour accompagner l’enfant.

III. VERS UNE HARMONISATION EUROPÉENNE FONDÉE SUR UN STANDARD ÉLEVÉ DE PROTECTION

La comparaison de ces exemples positifs devrait guider les acteurs nationaux et les institutions européennes afin d’améliorer la situation de ces jeunes qui ont souffert et qui ont à présent besoin que leurs droits fondamentaux soient respectés pour construire leur vie en Europe. La situation spécifique des enfants non accompagnés devrait tout particulièrement être prise en compte dans le cadre de l’élaboration d’un régime d’asile européen commun. Dans ce contexte, il est intéressant de constater que cette question est prise en compte par les institutions et agences européennes comme la Commission, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) , le Bureau européen d’appui à l’Asile et l’Agence des droits fondamentaux. Il est désormais nécessaire que cette problématique soit abordée de façon globale et cohérente par l’Union Européenne afin d’instaurer des mesures pertinentes dans les États membres, avec le soutien de la société civile. Bien qu’ils ne représentent qu’une petite partie des demandeurs d’asile, les enfants non accompagnés qui se rendent en Europe pour fuir les persécutions sont l’avenir d’un continent qui devrait veiller à leur protection sur la base de standards élevés, conformément aux engagements et aux traditions de l’Union Européenne.

8 Recommandations

1. L’accès des enfants aux procédures d’asile doit être constamment garanti par une information adaptée et systématique.

2. La demande d’asile des mineurs non accompagnés ne doit pas être ignorée mais faire l’objet d’une collecte et analyse statistique (sexe, nationalité, âge) afin d’améliorer la connaissance de cette problématique.

3. Un représentant légal formé sur le droit d’asile et la protection de l’enfance doit être désigné systématiquement pour tous les enfants et pendant toute la procédure de demande d’asile.

4. Le règlement Dublin II ne doit pas s’appliquer aux mineurs non accompagnés, sauf à des fins de regroupement familial, si cela s’avère être dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

5. Une assistance juridique, un accès aux soins médicaux et psychologiques ainsi qu’une place en centre d’hébergement adaptés doivent être garantis pour tous.

6. L’entretien principal doit se dérouler dans des conditions adaptées à l’enfant et être mené par des fonctionnaires disposant des connaissances appropriées sur le développement et le comportement des enfants.

7. La vulnérabilité inhérente aux mineurs isolés étrangers exige qu’une décision soit prise en appliquant le bénéfice du doute et en tenant compte des formes de persécution spécifiques aux enfants. L’appel contre cette décision doit être garanti.

 

8. Les mineurs isolés arrivant à la frontière doivent être admis sur le territoire afin d’évaluer leur situation au regard de l’asile. Ils ne doivent jamais être privés de liberté.

Cliquez ici pour voir le texte de l’appel

Si vous aussi, vous souhaitez signer cet appel : http://www.france-terre-asile.org/component/flexicontent/items/item/7567-le-droit-a-demander-lasile-des-mineurs-isoles-etrangers-dans-lunion-europeenne#appel

ou envoyer votre accord par email à l’adresse suivante : communication@france-terre-asile.org

20 novembre 2012