Chaque mois, Nathalie Griesbeck interviewe un autre député européen au sujet de l’un des rapports de la session plénière ou d’un sujet d’actualité clef. Ce mois-ci, Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne, Questeur du Parlement européen, Rapporteur sur la révision de la législation européenne sur les travailleurs détachés, a accepté de répondre à ses questions, de commenter l’accord majeur obtenu lors du Conseil des Ministres européens du travail et des affaires sociales, sous l’impulsion du Président de la République française, Emmanuel Macron et d’indiquer les priorités du Parlement européen pour les négociations qui débutent entre le Parlement et le Conseil.
Il y a détachement de travailleurs lorsqu’il y a prestation transfrontière de services au sein de l’Union européenne. Un travailleur détaché est un travailleur employé dans un Etat membre de l’UE, mais envoyé temporairement, par son employeur, pour réaliser une mission, un travail dans un autre Etat membre.
Du fait du principe clef de la libre prestation des services au sein de l’Union européenne, une entreprise peut fournir un service dans un autre Etat membre sans avoir à s’y établir. Elles doivent donc pouvoir envoyer leurs salariés dans cet autre Etat pour y accomplir les tâches requises.
C’est la Directive 96/71/CE adoptée en 1996 qui encadre la circulation des travailleurs détachés. Elle prévoit une série de règles obligatoires sur les conditions de travail et d’emploi applicables aux travailleurs détachés. Elle prévoit également que les travailleurs détachés demeurent les employés de l’entreprise qui les détache et qu’ils relèvent donc de la législation de l’Etat membre d’origine. Ils bénéficient ainsi légalement d’un noyau dur de droits qui sont en vigueur dans l’Etat membre d’accueil où la tâche est accomplie.
Malheureusement, cette directive et surtout la pratique du détachement des travailleurs en elle-même ont été beaucoup critiquées car, générant une concurrence déloyale, des inégalités de traitement, une précarisation des travailleurs, de nombreux abus et cas de fraude sans réel contrôle, etc.
Ainsi, en 2014, l’Union européenne a adopté une nouvelle directive (Directive 2014/67/UE) pour clarifier certaines règles en matière de détachement et surtout fournir de nouveaux instruments solides et concrets pour lutter contre la fraude, contre les abus et le phénomène des sociétés « boîtes aux lettres » (qui utilisent le détachement pour contourner la loi). Cette directive établit également des règles plus claires en vue d’une coopération administrative efficace entre États, indique les possibilités d’appliquer des mesures de contrôle nationales, etc.
Toutefois, les critiques et défaillances demeurent. Dès lors, une nouvelle proposition de révision ciblée de la directive « détachement » a été présentée en mars 2016 par la Commission européenne. Cette proposition visait à répondre aux critiques de plus en plus nombreuses contre le « phénomène du détachement des travailleurs » et les pratiques déloyales et plus spécifiquement, à garantir des conditions de rémunération équitables et des conditions de concurrence égales tant pour les entreprises détachant des travailleurs que pour les entreprises locales dans le pays d’accueil.
C’est un sujet brûlant et une question politique très difficile. Le Conseil des Ministres du Travail et des affaires sociales a enfin trouvé un accord cette semaine, le 23 octobre 2017, à Luxembourg.
L’accord comporte 4 avancées majeures :
« C’est un succès pour l’Europe, pour les salariés détachés – car grâce à cet accord ils seront mieux protégés et leurs droits seront renforcés – et pour les entreprises – ce sont des conditions de concurrence plus équitables. C’est un succès pour l’Europe sociale. Mais c’est également un vrai succès pour la France et le Président Macron qui avait dès le début de son mandat présidentiel engagé une vraie bataille pour que l’Europe avance sur ce sujet complexe » a déclaré Nathalie Griesbeck.
Du côté du Parlement européen : l’assemblée a également trouvé un accord au milieu du mois d’octobre, sous l’impulsion de ses deux co-rapporteurs : Elisabeth Morin-Chartier et Agnes Jongerius.
Le Conseil européen et le Parlement européen entreront donc prochainement en négociations, en trilogue, pour trouver un accord définitif sur ce dossier.
Articles précédents à ce sujet :
26 octobre 2017